L’inventeur du concours Miss Client, Thierry Spencer, propose à nos étudiants du Master Marketing Opérationnel International de constituer le Jury qui va sacrer l’agent virtuel de l’année à venir. Joli cadeau pour ces futurs experts du marketing digital, mais tâche rude que d’expertiser ces jolis robots, dont une bonne partie ont été conçus et entrainés par la société Virtuoz.
Une bien belle idée aussi qui va au-delà de l’ironie. Quel paradoxe que de célébrer ce qui pourrait être l’anti-thèse de la relation-client, cette idée vieille de 30 ans dont on a défini la qualité par les critères de satisfaction, de confiance, d’engagement, de justice, d’attachement quand ce n’est d’amour…Autant de qualités qu’on prête aux seuls humains. Mais le monde est ainsi fait que les automates, même dotés d’intelligence peuvent travailler 24h sur 24h et 7 jours sur 7 en répondant simultanément à une flopée de consommateurs anxieux et souvent perdus dans le labyrinthe des sites web, en ne réclamant aucun salaire que le prix de leur conception, l’énergie des calculateurs et la juste rémunération de leur concepteur. La relation-client moins qu’une stratégie est désormais une industrie.
Ne nous lamentons pas sur ce paradoxe que la gestion du client soit désormais une gestion du contact, et que résoudre à l’instant les difficultés du consommateur passe avant l’établissement d’un climat favorable et durable de résolution des problèmes. C’est une autre question à laquelle nous nous intéresserons dans un autre billet, contenterons de rappeler le mot de Thierry Spencer : à l’heure du Self-Care le client est bien seul.
L’enjeu pour notre jeune Jury est de départager 21 candidates et candidats (3 avatars masculins pour 18 féminin et aucun être sexuellement indéterminé – le post humain n’a pas encore fait le deuil du genre) en introduisant dans l’élection des éléments objectifs pour pondérer les effets de popularité de la marque dont les postulants portent la couleur.
Il s’agit donc de déterminer les critères clés. De ce point de vue, près de 20 ans de recherche en la matière fournissent des éléments précieux. C’est à Davis que l’on doit ce modèle que des centaines de chercheurs ont testé à travers le monde sur des dizaines d’artefacts : le fameux Technological Acceptance Model (TAM) dont la simplicité et la robustesse lui valent son succès. On en retrouvera les principales versions développées sur le site de son principal co-auteur : V Venkatresh. L’utilité et la performance que l’usager perçoit ainsi que la facilité à utiliser le système sont les deux éléments clé de l’intention d’en prolonger l’usage et de son usage effectif.
Les travaux empiriques ont cependant dans une large mesure souligné l’importance d’une troisième variable dont l’intérêt se manifeste quand les usagers sont encore novices : il s’agit de la jouabilité perçue. Non seulement le système doit réaliser la performance qu’on en attend de lui sans que le coût cognitif de son utilisation soit élevé, mais en plus il doit procurer une gratification immédiate, le plaisir tiré de son usage. Il peut être amusant de dialoguer avec un robot, et les observateurs savent bien que les sujets n’hésitent pas à le tester par des questions pièges et commentaires plus ou moins salace. Les robots sont aussi l’objet de notre ironie.
Un quatrième critère au regard de cette abondante littérature s’impose dans le cas des agents virtuels. Leur humanité semble être déterminante. Elle est définie dans les travaux des chercheurs par une notion devenue essentielle dans les interactions Humains/machines : la présence sociale. Ce sentiment particulier qui nous arrache à la solitude de nos interactions.
Le cinquième critère curieusement est délaissé par les spécialistes de marketing et pourtant au cœur de cette discipline souvent incomprise qu’est le design. L’objet fonctionnel doit être beau, le bel objet est aussi fonctionnel. L’esthétique, la plastique est aussi le propre des miss et des misters. Nous ne l’oublierons pas.
C’est sur cette base, scientifique fondée, que nos étudiants vont travailler et concevoir le protocole qui va guider leurs délibérations. En attendant, secret jusqu’au 15 décembre.
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